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Vers un autre rivage

par Marta Alvarado

La légende dit : un pèlerin venu dans un village demanda une barque pour traverser le grand fleuve. Mais les villageois tentèrent de l'en dissuader :  "N'y allez pas, ce fleuve est très dangereux. Personne n'en est jamais revenu".

Mais le pèlerin pris la barque et s'en alla. Quand un jour il revint, personne ne le reconnut.

Il eut beau crier : "C'est moi, c'est moi le pèlerin qui ait traversé le fleuve !" Mais aucun ne voulut le croire. Au milieu du fleuve, il avait fait une rencontre...

Il était revenu transformé, ils sont tous revenus... Mais ceux qui sont restés et n'ont jamais fait le voayge, eux, ne pouvaient pas les reconnaître. Ainsi naquit cette légende.

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LA FORCE DE CREER - LE POUVOIR DE SE RECREER

Derrière chaque mot, il y a un espace ; l'espace de l'interprétation, de la compréhension, des associations, de l'intention, de l'écoute... Qu'est-ce que j'entends derrière les mots ? Derrière le mot "Art", on entend bien sûr, "expression" et "création" tendant vers l'objet d'art ; mais se cache aussi une notion d'apprentissage, d'effort, d'ouverture, de promesse... Pour certains, ce mot s'associe avec le beau, l’esthétique . Pour d'autres, l'essentiel est ailleurs. On en voit de nombreux exemples dans l'histoire de l'art : avec le cubisme, recherches de nouvelles formes, dans le dadaïsme, abolition même de la forme pour repousser les limites, et dans l'art moderne, prévalence du langage conceptuel en manipulant l'image à la recherche de nouveaux sens.

Dans le mot "thérapie", il y a l'accompagnement, l'espoir d'une guérison. Comme un sculpteur enlevant des parties pour insuffler la vie à son oeuvre, le thérapeute va essayer de dégager la partie saine, enfouie sous ce qui entrave la progression. Parfois, c'est seulement un grain de sable, souvent des blessures non guéries, un événement, des souvenirs qui font toujours mal, un traumatisme répétitif.

Thérapie - terre à conquérir, terre promise. Entre art et thérapie : le trait d'union. Qu'est-ce qu'il nous évoque, cet "entre-deux" ? C'est un point de suspension, d'arrêt de silence... et de mouvement à la fois.

Le silence... Avant le silence, il y a l'écoute, retournement intérieur pour se reconnecter à soi même, se connaître ; le silence précède le son, mais il contient aussi tous les sons.

L'arrêt, c'est l'instant présent, l' "ici et maintenant ", pour pouvoir regarder , écouter, sentir, se donner du temps ; simplement être là, s'autoriser à exister dans ce qui se présente.

Le mouvement lui, tend à un autre rivage. Quand je parle de terre promise, je pense à l'errance, à la recherche, à l'endurance, au cheminement, au voyage, à l'initiation ; mais avant tout, je pense à un acte de foi, à l'aboutissement du voyage, aux retrouvailles. Terre promise - terre nouvelle. Cette retrouvaille avec soi-même résume passé-présent-futur. Le temps qui dure, passe d'une étape à une autre, raconte l'histoire personnelle, familiale, culturelle ; une histoire entre la naissance et la mort, et enfin la renaissance dans le cycle infini vie-mort-vie (toujours des traits d'union.) L'espace de toutes les potentialités vers l'infini. Je pense ainsi au mandala qui, dans son langage symbolique englobe cette notion de "Tout", d'infiniment grand, du cercle avec le centre, du point de convergence et de divergence de tous les cheminements possibles.

Quelle direction prendre ? Quel axe à envisager ? Et quel sens donner à notre vie pour qu'il y ait un sens ? Et ce " Moi ...", comme disait K.Stanislavski, le fondateur du théâtre psychologique russe, ce fameux "moi dans les circonstances proposées", ou nous sommes en permanence...

Quel enjeu dans ce jeu de chacune de nos vies ! ...

L'art est un langage symbolique cherchant à donner du sens là où auparavant rien n'avait encore existé, ni été rendu visible. Cela doit d'abord passer par un langage, quel qu'il soit. Pour résumer, la création matérialise l'invisible : la pensée, le monde imaginaire, les fantasmes, les émotions deviennent tangibles, présents. Ils commencent alors à prendre forme, couleur, odeur, goût : tout ce que l'on capte avec nos cinq sens. Je dirais que c'est un langage aux frontières de l'inconscient qui devient conscient. Le nouveau "dessin" commence à apparaître. On peut perler du souffle vital. 

À l'image du Créateur, nous, les Créatures commençons à créer aussi en hommage à ce que nous sommes. Nous aussi donnons du souffle à nos créations. Par cela, elles commencent à vivre et à se détacher de nous, comme les enfants quittant le giron familial pour suivre leur propre destin.

Alors, pour moi, au cœur de l'art-thérapie, se trouve la RELATION.

Pour entrer en relation, il faut être, au moins, deux. Entre "toi et moi", c'est la profondeur de ce ET qui crée la force du lien.

Et dans l'entre deux, l'espace, où tout est envisageable, mais ou rien n'est encore envisagé...

La page blanche...

 

Marta Alvarado

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